Optimisation du fonds de prévoyance : une stratégie gagnante pour les copropriétaires – Partie II
Collaborateur invité : Antoine Vézina, CFA
Une stratégie d’allocation alignée sur l’étude du fonds de prévoyance
La répartition des placements du fonds de prévoyance ne devrait jamais être fondée sur des recettes toutes faites ou des pourcentages arbitraires. Elle doit être construite sur la base de l’étude du fonds de prévoyance, qui identifie avec précision les besoins futurs de la copropriété, les échéances de décaissement prévues et les marges de manœuvre disponibles à moyen et long terme.
Cette étude, qui est désormais requise et à mettre à jour tous les cinq ans, constitue la pierre angulaire d’une stratégie d’investissement efficace. Elle permet de calibrer l’allocation entre liquidités, instruments à terme et placements à rendement potentiel plus élevé, tout en respectant les contraintes légales.
Une approche professionnelle, structurée et diversifiée
Un professionnel de la finance pourra recommander une structure qui maximise la croissance tout en assurant l’accessibilité des fonds au moment opportun. Parmi les stratégies généralement utilisées :
L’échelonnement des échéances : Il s’agit de répartir les placements sur différentes durées, afin d’assurer une rentrée de liquidités chaque année ou à intervalles réguliers. Cela permet de minimiser le risque de devoir liquider un placement avant terme en cas de besoin imprévu.
La diversification des émetteurs : Afin de réduire le risque de contrepartie, les placements devraient provenir de différentes institutions financières, plutôt que d’être concentrés auprès d’un seul acteur.
La diversification des sous-jacents : Pour les produits structurés, il est essentiel que les rendements ne dépendent pas uniquement de la performance d’un petit nombre d’entreprises ou d’un seul secteur économique.
La diversification sectorielle et géographique : Une exposition équilibrée aux marchés canadiens, américains et européens, ainsi qu’à divers secteurs économiques, permet d’optimiser le rapport rendement-risque. C’est l’un des leviers les plus éprouvés pour améliorer le rendement attendu sans accroître le niveau de risque global du portefeuille.
En somme, une stratégie d’allocation rigoureuse, alignée sur l’échéancier des travaux, combinée à une diversification intelligente, permet de faire fructifier le fonds de manière sécuritaire et efficace, en conformité avec les exigences légales.
L’impact concret d’une stratégie d’investissement : deux scénarios comparatifs
Pour illustrer concrètement l’impact d’une stratégie de placement, voici deux scénarios simples qui comparent l’évolution d’un fonds de prévoyance sur 40 ans. Le contexte est le même : une copropriété de 50 unités possède déjà un fonds de 1 000 000 $ et doit financer plusieurs travaux majeurs, dont une réfection de façade de 5 000 000 $ prévue dans 40 ans.
Scénario 1 : Rendement de 2% - Solution standard
Dans ce scénario, l’argent du fonds est investi dans des produits standards, comme des certificats de placement garanti (CPG). Ces produits offrent un rendement plus faible, mais stable et garanti. On sait dès le départ combien on recevra chaque année, sans surprise.
Rendement annuel moyen : 2 %
Cotisation annuelle de départ : 100 000 $
Augmentation annuelle prévue de 1.6 %
Cotisation annuelle moyenne sur 40 ans : 137 000 $
Scénario 2 : Rendement de 5% - Solution optimisée
Ce scénario exploite les nouvelles possibilités offertes par le nouveau cadre légal. Le fonds est investi dans des produits structurés et d’autres instruments conformes à l’article 1071, mais qui permettent un meilleur potentiel de rendement. Le rendement annuel n’est pas toujours le même : certaines années sont très positives, d’autres moins bonnes. Mais à long terme, la moyenne est de 5 %.
Rendement annuel moyen : 5 %, avec des hauts et des bas en chemin
Cotisation annuelle initiale : 100 000 $
Cotisation annuelle moyenne sur 40 ans : 57 000 $
Économie potentielle de 80 000 $ par année, sans compromettre la planification à long terme
Ce scénario demande l’accompagnement d’un professionnel qualifié pour sélectionner les bons produits, respecter les règles et gérer les ajustements de stratégie.
Les administrateurs ont donc 2 options :
1. On paie moins chaque année : la stratégie optimisée permet de cotiser jusqu’à 80 000 $ de moins par année, ce qui allège la charge des copropriétaires. Le fonds finit avec le même montant après 40 ans.
2. On accumule plus à long terme : si on maintient les cotisations du scénario standard, le fonds atteindra une valeur finale bien plus élevée, offrant une marge de manœuvre supérieure pour des projets futurs ou des imprévus.
Le constat est simple
Pour une copropriété de cette envergure, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En investissant les sommes du fonds de prévoyance de manière rigoureuse et stratégique, on peut soit économiser jusqu’à 80 000 $ par année en cotisations, soit accumuler une valeur additionnelle de près de 6 000 000$ sur 40 ans.
Une nouvelle réalité : l’attestation de santé financière
Il est également important de replacer cette réflexion dans le contexte réglementaire à venir. Très bientôt, les syndicats de copropriété devront obligatoirement fournir une attestation sur la santé financière de la copropriété lors de la vente d’une unité. Cette attestation viendra documenter l’état du fonds de prévoyance et démontrera, noir sur blanc, la capacité de la copropriété à faire face à ses obligations à court, moyen et long terme.
Ce nouveau document changera profondément le marché immobilier en copropriété. Les acheteurs s’informeront de plus en plus sur le fonds de prévoyance, la qualité de l’entretien, et la solidité de la planification financière.
Une copropriété bien gérée, qui aura su investir judicieusement son fonds, verra la valeur de ses unités protégée, voire bonifiée. À l’inverse, un syndicat sous-capitalisé ou ayant laissé « dormir » son fonds de prévoyance pourrait voir ses copropriétaires confrontés à une dévaluation de leur bien, ou à des difficultés accrues lors de la mise en marché.
Conclusion
Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi 16, la gestion du fonds de prévoyance ne se limite plus à l’accumulation de liquidités disponibles à court terme. Le législateur a voulu, de manière explicite, permettre aux copropriétés d’adopter une approche plus structurée, mieux adaptée à la nature même de ce fonds et en faire un outil de planification à long terme.
Ce changement ouvre la voie à des stratégies d’investissement plus performantes, à condition qu’elles respectent les exigences fondamentales : capital protégé, liquidité partielle et disponibilité à court terme.
Les produits financiers admissibles sont limités, et leur complexité impose de faire appel à des professionnels spécialisés, capables de bâtir un portefeuille conforme, diversifié et aligné sur les échéanciers prévus dans l’étude du fonds de prévoyance.
Enfin, dans un avenir proche, l’attestation de santé financière, exigée lors de la vente d’une unité, viendra formaliser cette nouvelle réalité. Une copropriété qui aura bien géré son fonds verra sa valeur protégée. À l’inverse, une absence de stratégie pourrait rapidement se traduire par des pertes de valeur, voire des difficultés à vendre.
Investir judicieusement, c’est donc bien plus que maximiser un rendement. C’est protéger l’équilibre financier de l’immeuble, alléger le fardeau des cotisations et préserver la valeur du patrimoine immobilier des copropriétaires.
Antoine Vézina, CFA
Président et fondateur d’Invia Gestion Financière. Titulaire d’un baccalauréat en comptabilité et de la désignation professionnelle CFA (analyste financier agréé). Possède plus de 10 ans d'expérience et gestion de placements